Educatif
Foyer de remédiation et d’éducation
Rwanda
375m²
2018-2023
Construit
A Rwamishuba, au Rwanda, le bureau EDA-AU construit avec des artisans locaux un foyer dédié à l’éducation et concrétise un projet pédagogique au sens large. Alors que dans ce pays aussi le béton est une icône de modernité difficile à détrôner, l’usage de la terre cuite s’est imposé aux yeux des architectes comme une évidence.

Tout démarre du souhait d'un Rwandais résidant en Belgique d'aider son village natal. II cherche des fonds et un architecte pour y construire un lieu où les jeunes générations pourront avoir une chance d'approfondir leur éducation et d'éveiller leur esprit critique. Arnd Amand, fondateur du bureau EDA-AU, accepte de le soutenir bénévolement.
Ensemble, ils partent visiter le pays, avec arrêts intéressés dans des écoles publiques ainsi que des manufactures et briqueteries. Dans les écoles, toujours une même observation : impossible de capter l'attention des enfants lorsqu'il fait trop chaud ou que le bruit de la pluie masque tout échange. En ce qui concerne les transports, ni voie fluviale ni chemin de fer. Au retour, le projet trouve racine dans le choix mature d'utiliser une ressource du pays, la terre, et d'exclure toute technologie obsolescente pour rendre l'édifice autonome une fois construit.

Le foyer d'éducation et de remédiation suit un plan-type en trois séquences (classe, circulation et services) subdivisé en travées. Dictés par le site, certains choix tombent sous le sens. Les matières selon leurs sonorités ; une orientation nord-sud contre les surchauffes ; des pignons aveugles pour la même raison. D'autres choix, comme celui de faire un bâtiment sur trois niveaux, semblent incongrus étant donné l'environnement immédiat du foyer, mais au Rwanda aussi il y a lieu de lutter contre l'étalement du bâti. Cette volonté pousse à la compacité, et donc à l'élévation, afin de laisser suffisamment d'espace sur la parcelle pour un jardin et une cour de récréation.

Le système constructif hybride des techniques et se base sur une méthode « row Iock bond wall ». Les murs creux porteurs sont édifiés selon un calepinage précis de briques étroites. Format et appareillage assurent conjointement une économie de 50 % de ciment par rapport à un assemblage classique. Les vides au sein des murs régulent la température et permettent le passage de câbles et de conduites. Ce système connaît néanmoins des limites : il n'est pas pratiqué au-dessus de deux étages et les portées sont réduites, car le bois est systématiquement utilisé pour les planchers. Les intentions architecturales poussant à parvenir à trois niveaux, dans les creux de ces murs se glisse un dispositif parasismique constitué de colonnes de béton armé permettant de liaisonner fondations, murs et planchers. La brique vient servir de coffrage perdu pour le béton. Les planchers seront constitués par des voûtes, en briques elles aussi, qui s'appuient sur des poutres treillis métalliques (tubes et barres en acier sont importés, mais peu onéreux). Dans les classes traversantes, les portées atteignent un maximum de 7 mètres. Ailleurs, ce sont des poutrelles standards qui reçoivent les voûtes. Au sol, les étages sont recouverts d'une chape de compression en terre de terrassement damée pour l'isolation phonique.

Pour construire des murs massifs, la main-d'œuvre locale est toute qualifiée, mais la technique proposée est plus complexe. Le frère de l'architecte, Benoît Amand, chef maçon, accompagne la réalisation et forme les ouvriers locaux à la construction des murs creux et des voûtes sur poutres treillis. Les plans s'accompagnent également de modes d'emploi où chaque étape est dessinée. Le soutien occidental sur chantier voit l'implication du village s'amplifier. Le projet, qui ne se destinait pas à ce type de démarche collective, s'enrichit culturellement de son processus de mise en œuvre. Cerise sur le gâteau, la formation reçue est valorisée par le gouvernement rwandais. Avec diplomatie, mais non sans heurts culturels s'est construit un lieu d'échange et de repère pour la communauté.

Texte de Cécile Vandernoot pour A+